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107.3 Le Mans

Tu sais mon enfant
j’avais fait un poème pour toi
mais ne m’en veux pas
si je l’ai écrit en cette langue
qu’encore tu ne comprends pas
ce n’est rien mon enfant
lorsque tu seras grande
tu saisiras ce rêve
que j’ai fait en plein jour

Tu raconteras à ton tour
l’histoire de cette femme
prisonnière arabe
dans son propre pays
arabe jusqu’à ses cheveux blancs
ses yeux verdoyants

Le rêve mon enfant
commence
quand je vois un pigeon
les oiseaux qui montent leurs nids
sur le toit des prisons

Je rêve d’envoyer un message aux révolutionnaires
de Palestine
pour les assurer du soutien
de la victoire

Je rêve d’avoir des ailes
tout comme les pigeons
et comme les hirondelles
parcourir les ciels
jusqu’en Érythrée
jusqu’au Dhofar

Les bras chargés de fusils
la tête de poèmes

Je rêve que la lune
de là-haut va tomber
pour l’arracher à l’ennemi
et qu’alors la lune me déposera
en Palestine ou au Sahara
n’importe
je lutte pour la victoire
de tous les peuples combattants.

Saïda Menebhi, Les bras chargés de fusils, la tête de poèmes, Premiers matins de novembre Editions.

Habillage sonore : Legend of the Eagle Bearer (assassin’s creed odyssey)

Saïda Menebhi écrit des poèmes, des lettres de prison ainsi que ses analyses de la condition des femmes marocaines en partant de celle des prostituées. Morte à l’âge de 25 ans en prison, faute de soins suite à une grève de la faim, après une condamnation pour atteinte à la sureté de l’État, elle laisse à ses camarades et à ses proches ces quelques mots, témoignages implacables de sa détermination communiste et féministe.

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