La poésie est basse
Il faut se pencher pour la ramasser
au milieu des chaises renversées
La poésie
n’existe pas isolément
au-dessus des choses
assises sur des chaises
La poésie
n’est jamais une vérité
sans la réalité
d’une chaise qui s’assoit
sur une autre chaise
La poésie va jusqu’au bout
de l’homme
qui démonte la chaise
pour faire du feu
La poésie est une décision
qui croit à l’exigence
des mots d’une chaise démontée
On a tellement frappé
sur le nez de cette chaise
qu’elle continue à saigner
sans qu’on s’aperçoive
que c’est un homme
qui saigne sur elle
car ses barreaux ont traversé
son cœur
La poésie est une chaise
que l’on saisit par le dossier
non pour s’asseoir
mais pour se battre
Serge Pey, dans Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée – Anthologie Sète 2021
Serge Pey est né en 1950 à Toulouse d’une mère couturière et d’un père ouvrier du bâtiment réfugié politique de la guerre civile espagnole. Ses années d’enfance marqueront durablement l’engagement de sa vie solidaire auprès des mouvements de libération, de résistance ou d’espérance. Tôt, dans son enfance, il entre en contact avec la poésie espagnole et française. Garcia Lorca, Miguel Hernandez, Pablo Neruda, François Villon, Guillevic, Rimbaud, veilleront sur ses récitations d’écolier. Dans « La boîte aux lettres du cimetière », il raconte la liaison particulière qu’il entretient avec Antonio Machado. Poète d’action, plasticien, romancier, philosophe du poème, il est l’auteur d’une centaine de publications en France et à l’étranger. À la fin des années soixante-dix, il commence ses « Dictées de poèmes ». Sur des cahiers qu’il distribue au public, des dizaines de manuscrits seront retranscrits de cette façon par l’assistance, qui les signe ensuite en commun avec lui. De la ville et du Fleuve, ou Prophéties (Tribu), sont issus de ces happenings d’autoédition collective.