Comme toi,
j’aime l’amour, la vie, le doux enchantement
des choses, le paysage
céleste des jours de janvier.
Aussi, mon sang bout
et mes yeux rient
qui ont connu le jaillissement des larmes.
Je crois que le monde est beau,
que la poésie est comme le pain, pour tous.
Et que mes veines ne finissent pas en moi
mais dans le sang unanime
de ceux qui luttent pour la vie,
l’amour,
les choses,
le paysage et le pain,
la poésie pour tous.
Yo, como tú,
amo el amor, la vida, el dulce encanto
de las cosas, el paisaje
celeste de los días de enero.
También mi sangre bulle
y río por los ojos
que han conocido el brote de las lágrimas.
Creo que el mundo es bello,
que la poesía es como el pan, de todos.
Y que mis venas no terminan en mí
sino en la sangre unánime
de los que luchan por la vida,
el amor,
las cosas,
el paisaje y el pan,
la poesía de todos.
Roque Dalton, Poèmes clandestins, traduit de l’espagnol (Salvador) par Juliette Combes-Latour, Editions Le Temps des cerises
Création sonore, Romain Allinant
Roque Antonio Dalton García, est né en 1935 et est décédé en 1975. Défenseur de la classe ouvrière, il fut arrêté, jugé, incarcéré, torturé, puis finalement contraint à l’exil et fut par deux fois condamné à mort. Roque Dalton échappa à ces sentences, la première fois, un coup d’État, la veille de la date prévue de son exécution, lui permit d’être amnistié et la deuxième fois, un tremblement de terre fit s’effondrer les murs de sa prison, dont il s’échappa. Il adhère au Parti Communiste Salvadorien en 1957. Dans les années 70, il rentre clandestinement au Salvador (il était en exil à Cuba) et rejoint la lutte armée dirigée par l’ERP (l’Armée Révolutionnaire du Peuple). Son langage populaire, le recours au rire, à la dérision et aux jeux de mots sont des traits caractéristiques de sa poésie qui l’ont rendu très populaire. Les circonstances de sa mort le rendirent tragiquement célèbre car il n’échappa pas à sa troisième condamnation à mort, en 1975.